Arville

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cuisine maison des deux grands-peres verlaine

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Jean Verlaine, l’arrière-grand-père d’Arville, un noblion déchu?

blason verlaine

Connaît-il seulement son grand-père, Henry-Joseph d’Arville?

Paul sait-il que son grand-père, quelques années plus tôt dans le coin d’Ardenne où il a échoué, après avoir été clerc à l’abbaye de Saint-Hubert et notaire à Bertrix, renie les prêtres, renie sa charge, applaudit à la Révolution, scandalise puis injurie l’Empereur? Il allait cependant ressembler à cet aïeul par l’anarchie de sa vie, oscillant perpétuellement entre la tonsure et le caboulot. Rien ne prédisposait pourtant Henry-Joseph à tant de fantaisies. Son père, Jean Verlaine, noblion sans doute déchu, s’était installé paisiblement, en 1745, à la cour Picard, berceau des Verlaine, dans le creux d’un vallonnement de Haute-Ardennes, cerné de bois et de bruyères. L’appel de l’inconnu lui avait fait prendre la route, la sagesse a interrompu son invasion, il s’est fixé. Cet homme qui paradait en uniforme, sabre au clair, à la basilique de Saint-Hubert est donc à l’origine d’une famille, ramifiée qui se développe comme un éventail dont il serait le sommet. Las de suivre les armées de France pendant la guerre de Succession d’Autriche, il s’installe sans chercher plus loin le bonheur. Arville, berceau privilégié qu’un homme a choisi pour nid. Arville qui garde jalousement le nom des Verlaine pourquoi le poète n’est-il pas venu te saluer?

Pourquoi Paul Verlaine ne revint-il jamais à Arville?

Pourquoi? Verlaine a fermé la porte de son foyer. Il a tourné le dos à jamais à sa vie de bourgeois rangé pour suivre la route tourmentée où le pousse son affectivité vagabonde. Il a pris son vol vers les immensités inconnues. Comme son père suit les armées impériales, Paul suit ses chimères.

Verlaine a fermé la porte de son foyer en détruisant sa vie qui eût pu devenir une vie sans histoire. De sa main large et velue, il dégrade tout ce qu’il touche. Il renie sa maison, il reniera Paris, puis Londres; il reniera Rimbaud, il se reniera lui-même.

Perpétuels retours, suivis d’autant de séparations fatales. Séparations de plus en plus violentes que sa folie compense par de larges périodes de paradis artificiels. Il boit pour avoir le courage de scandaliser, le courage d’étonner. Le pauvre Lélian (anagramme de Paul Verlaine) pose sa personne en révolte avec l’Humanité; il la bafoue après l’avoir chantée. Il bafoue tout: l’ordre et la loi. Lui, dont le cœur heurte parfois les étoiles, s’ingénie à heurter ses semblables de son corps souillé de boue.

Le vieux pâtre Jean-Hubert-Joseph Verlaine, dit:

« Mon bisaïeul le premier Verlaine arrive à Braz, une paroisse près de Saint-Hubert. Il se fixe à Arville et devient propriétaire de la ferme dite « Cour Picard » Il eut une fille et deux fils Michel et Henri. Michel épouse la plus belle fille des Ardennes et en a deux enfants, dont l’un François est mon père. Henri, lui, a deux filles et un fils Auguste, qui, par la suite, devint en France Capitaine du génie. Auguste eut un fils unique Paul.

J’ai vu ce dernier il y a trente ans chez la Colonelle Grandjean, not’parente en ce sens que le colonel avait marié sa «neveuse» à Auguste. La tante m’a présenté son neveu Paul, un étudiant de seize ans, sans barbe, vêtu en bourgeois et très maigre ».

Grave, il murmure: « Paul et moi nous sommes les deux chefs au même degré du nom de Verlaine, seulement lui est un grand monsieur de Paris et moi un paysan, un petit rien-du-tout de la forêt des Ardennes. »

« Voyez-vous, la famille Verlaine s’est cassée en deux: une moitié s’en est allée là-bas qui ne connaît pas l’autre – entre parents on est comme des morts – mais vous pouvez m’en croire, c’est ben d’ici, c’est ben d’Arville que partent les Verlaine.

Ah! Jésus-Maria, qu’il vienne voir la maison paternelle- vous savez la maison à vieille porte – qu’il vienne voir la maison des deux grands-pères!

Cher poète, viendras-tu jamais embrasser le bon pâtre d’Ardennes »?

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