



Nous sommes en 1845, Paul a un an. Pour la première fois, avec ses parents, Elisa et Auguste, il emprunte la malle poste qui les conduit, au départ de Sedan, à Paliseul, via Corbion et Bouillon. Jusqu’à l’âge de 18 ans, il refera ce chemin chaque année pour d’heureuses vacances d’été.
Verlaine avait maintes fois visité la ville au relief si particulier: Bouillon en entonnoir. Que de fois n’a-t-il pas emprunté les rampes très rapides qui dévalent le long du chemin de France, où dégringolaient, versant parfois, les malles-poste venant de Sedan!
La route mythique des vacances
D’abord, la route, pour le petit Paul, c’est la route de son enfance, avec les souvenirs si amusants des diligences, avec leur imprévu!
La malle-poste avançait cahin-caha sur des routes qui n’en sont pas vraiment, plutôt sur des voies détournées, souvent caillouteuses ou graveleuses. Tant bien que mal, elle évitait les redoutables fondrières le long du parcours.
La Ramonette se présente au bord d’un pic dominant le Château Fort et la ville. C’était une fortification de type classique, appelée une « Motte », peu courante dans la région. On retrouve une butte de terre, artificielle, de 9 m de diamètre, entourée de fossés taillés dans la roche et protégée d’un rempart annulaire d’une quarantaine de mètres de diamètre. Une tour hexagonale en bois occupait le sommet de l’ouvrage, sa base était en pierre. Vers la fin du XIème siècle se construisait en contrebas un donjon entouré de palissades qui deviendra le Château Fort de Bouillon.
L’histoire de la petite Ramonette, l’enfant de prédilection de la délicieuse fée Mélusine.
A Bouillon, la petite Ramonette dansait au chant des rossignols de la côte d’Auclin, dans les rayons de la lune, sur la bruyère et les genêts là-haut, vers la Gernelle où était son fief.
Un jour, le diable aux pieds fourchus sous son manteau de pèlerin vint tenter nos gens et leur mignon génie protecteur. De haute lutte, elle le fit dégringoler de roche en roche, jusqu’à la Semoy – aventure qui le laissa penaud et boiteux – puis, vaincue par l’effroi, Ramonette ferma pour toujours ses yeux rieurs, couleur de la fleur de pervenche.
Après avoir pourchassé « Le Malin », les nutons vinrent ensevelir la fillette en versant des torrents de larmes, parce que c’était une petite fée aussi bonne que jolie. Son tombeau s’appelle la Ramonette. La bruyère blanche qui porte bonheur, y fleurit, et une source intarissable pleure toujours, là où fut son petit lit de mousse….

Impressions fausses
Dame souris trotte,
Noire dans le gris du soir,
Dame souris trotte
Grise dans le noir.
On sonne la cloche,
Dormez les bons prisonniers!
On sonne la cloche:
Faut que vous dormiez.
Pas de mauvais rêve,
Ne pensez qu’à vos amours.
Pas de mauvais rêve:
Les belles toujours!
Le grand clair de lune!
On ronfle ferme à côté.
Le grand clair de lune
En réalité!
Un nuage passe,
Il fait noir comme en un four,
Un nuage passe.
Tiens le petit jour!
Dame souris trotte,
Rose dans les rayons bleus.
Dame souris trotte:
Debout les paresseux!
Extrait de Parallèlement.

Nevermore
Souvenir, souvenir, que me veux-tu? L’automne
Faisait voler la grive à travers l’air atone,
Et le soleil dardait un rayon monotone
Sur le bois jaunissant où la bise détone.
Nous étions seul à seule et marchions en rêvant,
Elle et moi, les cheveux et la pensée au vent.
Soudain, tournant vers moi son regard émouvant
« Quel fut ton plus beau jour? » fit sa voix d’or vivant,
Sa voix douce et sonore, au frais timbre angélique.
Un sourire discret lui donna la réplique,
Et je baisai sa main blanche, dévotement.
– Ah! les premières fleurs, qu’elles sont parfumées!
Et qu’il bruit avec un murmure charmant
Le premier oui qui sort de lèvres bien-aimées!
Extrait de Poèmes Saturniens.
