
Dernier espoir
Il est un arbre au cimetière
Poussant en pleine liberté,
Non planté par un deuil dicté,
Qui flotte au long d’une humble pierre.
Sur cet arbre, été comme hiver,
Un oiseau vient qui chante clair
Sa chanson tristement fidèle.
Cet arbre et cet oiseau c’est nous:
Toi le souvenir, moi l’absence
Que le temps – qui passe – recense…
Ah, vivre encore à tes genoux!
Ah, vivre encor! Mais quoi, ma belle,
Le néant est mon froid vainqueur…
Du moins, dis, je vis dans ton cœur?
Extrait de Livre Posthume



Sérénade
Comme la voix d’un mort qui chanterait
Du fond de sa fosse,
Maîtresse, entends monter vers ton retrait
Ma voix aigre et fausse.
Ouvre ton âme et ton oreille au son
De ma mandoline:
Pour toi j’ai fait, pour toi, cette chanson
Cruelle et câline.
Je chanterai tes yeux d’or et d’onyx
Purs de toutes ombres,
Puis le Léthé de ton sein, puis le Styx
De tes cheveux sombres.
Comme la voix d’un mort qui chanterait
Du fond de sa fosse,
Maîtresse, entends monter vers ton retrait
Ma voix aigre et fausse.
Puis je louerai beaucoup, comme il convient,
Cette chair bénie
Dont le parfum opulent me revient
Les nuits d’insomnie.
Et pour finir je dirai le baiser,
De ta lèvre rouge,
Et ta douceur à me martyriser,
– Mon Ange! – ma Gouge!
Ouvre ton âme et ton oreille au son
De ma mandoline:
Pour toi j’ai fait, pour toi, cette chanson
Cruelle et câline.
Extrait de Poèmes Saturniens.

