Voici la maison de la tante Julie. Elle porte l’enseigne: Evrard Poncelet, Débitant-Boulanger-Modes. Cette maison fut incendiée lors de l’offensive allemande d’août 1914. Après guerre, elle fut reconstruite quasi à l’identique.
A Jéhonville, le poète était hébergé dans la seconde branche de la famille Verlaine, à savoir la sœur cadette de son père, la tante Julie (1804-1880); elle avait épousé Jean-Baptiste Evrard et de ce mariage est issu le propre cousin de Paul Verlaine, dénommé Jules Evrard.
Voici l’extrait d’une lettre de condoléances adressée par Paul à son cousin à l’occasion du décès de sa tante Julie en 1880.
Mon rêve familier
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon cœur, transparent
Pour elle seule, hélas! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse? – Je l’ignore.
Son nom? Je me souviens qu’il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.
Extrait du recueil Poèmes saturniens.
Dans l’interminable ennui de la plaine,
Dans l’interminable
Ennui de la plaine,
La neige incertaine
Luit comme du sable.
Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.
Comme des nuées
Flottent gris les chênes
Des forêts prochaines
Parmi les buées.
Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.
Corneille poussive
Et vous, les loups maigres,
Par ces bises aigres
Quoi donc vous arrive?
Dans l’interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable.
Extrait de Romances sans paroles, écrit partiellement à Jéhonville.