Le pluralisme et l’imagination, à table !

Non, les grands médias ne sont pas le nouveau clergé mais, comme dirait l’écrivain et médiologue Regis Debray, le nouveau pouvoir spirituel de l’Occident laïc incarné par les médias « ne contraint pas, il conditionne. Il ne légifère pas, il infuse. Il ne sanctionne pas, il environne. Il ne donne pas de contravention, il donne à penser. Il agit par le mot, l’image, les spectacles et les rites ». Non les grands médias ne chassent pas les hérétiques et n’engagent aucune croisade contre qui que ce soit mais guidés et gouvernés par les lois du marché, souvent au grand dam des journalistes, ils délimitent le champ des prédications possibles et des confessions autorisées. Est-ce le cas notamment quand il s’agit des alternatives au capitalisme ? Les croissances économique et démographique compteraient-elle parmi les dogmes de l’orthodoxie médiatique ?

Face aux énormes défis socio-économiques et environnementaux, nous sommes nombreux à souhaiter entendre, par médias interposés, d’autres visions, d’autres narrations, d’autres “sons de cloches”. D’autres sources d’enchantement aussi (plutôt que d’envoûtement) qui nous feraient repenser les conditions de la réappropriation d’une possibilité de changement.

Une information libre, vivante, pluraliste et accessible est l’ADN de toute démocratie. Les médias d’information sont un levier de prise de conscience et d’action et l’espace pour l’expression de la pluralité des opinions et des échanges d’idées qui nourrissent l’espace public. Au cours du XXe siècle, la pratique journalistique s’est professionnalisée, diversifiée, améliorée et les moyens techniques offrent aujourd’hui des potentialités inédites. Pourtant, les médias dominants véhiculent une pensée uniformisée avec un retour en force du politiquement ou socialement correct et du bien-pensant.

Les médias ne constituent évidemment pas un bloc indifférencié et il est évident que les réseaux sociaux et Internet ont modifié la donne mais le pouvoir de représentation que détiennent les médias dominants traditionnels leur permet en effet d’imposer au public leurs normes particulières de vision. Partie intégrante du quotidien, ils influencent nos modes de pensée, nos conceptions du monde et nos actes. « Ce que nous savons du cours des choses est tributaire de ce que la machine médiatique veut bien nous relater : comme la caverne de Platon, des événements, nous ne percevons, par journalistes interposés, que leur ombre portée » selon Pascal Durand, professeur à la faculté de Philosophie et Lettres de l’ULg.

Il nous semble essentiel de nous demander si les zones « interdites » s’élargissent et quelle est la place accordée aux voix alternatives voire contestataires et dérangeantes dans les médias traditionnels. Quel est l’espace médiatique réservé à la remise en cause de l’ordre établi et à la promotion des modèles alternatifs ? Y-a-t-il une ligne rouge que les journalistes ne peuvent dépasser, notamment quand il s’agit des alternatives au capitalisme ? Les croissances économique et démographique compteraient-elles parmi les dogmes de l’orthodoxie médiatique ? C’est ce à quoi les différents événements de cette campagne tentent de répondre.

Julie Van der Kar

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