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Édito

À propos

TÉLÉ-TRAVAIL : ENTRÉE LIBRE

Dire que le télétravail a envahi nos vies, c’est une évidence.

Dire que le numérique a envahi nos vies, c’est aussi une évidence.

Les choix que nous opérons dans nos vies, tant collectivement qu’individuellement, ne sont, en revanche, pas de cet ordre. Pour s’en rendre compte, c’est une question de temps. De celui qu’il faut prendre pour se détacher de ce que l’on voit, lit ou entend quotidiennement. Pour aller au-delà de ce qui, à force, prend les atours de cette évidence. Il s’agit de prendre le temps. Avec en ligne de mire l’inversion du rapport que l’on entretient avec lui, ce temps qui nous paraît toujours défavorable, et après lequel, sans cesse, l’on court. De crise en crise, au plus pressé, la tête dans le guidon. C’est le moteur de ce qui suit.

Dans La Stratégie du choc : la montée d’un capitalisme du désastre, Naomi Klein avait éclairé il y a une quinzaine d’années déjà le fonctionnement du capitalisme à ce sujet. Aujourd’hui, nous avons la chance qu’elle continue son travail d’analyse, et sommes très fiers de pouvoir en présenter une partie ici. Nous republions son article « La stratégie du choc du capitalisme numérique »1, paru dans The Intercept2 en mai dernier.

Suite à ce premier éclairage, il nous a paru important de poser la question à notre échelle. De nous interroger à notre niveau, belge et européen, pour voir en quoi ce qu’elle dénonce là-bas est en train de se produire ici : les entreprises technologiques profitent de nos besoins et de notre état critique pour étendre davantage leur hégémonie, nous rendant toujours plus dépendants d’elles, et toujours moins en mesure de s’autodéterminer3.

Parce que ces entreprises, tout comme le télétravail, ne posent pas que des problèmes de frontière entre vie privée et vie professionnelle. Au-delà des métadonnées, de la surveillance et du contrôle systématique, c’est aussi le risque d’aliénation qui nous menace, à travers la non-maîtrise de ces outils numériques, pourtant omniprésents. Parce que les solutions pour lesquelles on a opté ne sont pas conçues pour que l’on en ait ne fût-ce que la compréhension.

Dans un premier temps, il ne s’agit pas de se positionner pour ou contre le numérique ou pour ou contre le télétravail, mais de dresser un constat. Massivement, presque exclusivement, pour continuer à fonctionner devant l’urgence sanitaire décrétée, nous nous sommes tournés vers les solutions proposées par les GAFA. Sans penser les enjeux de ces actes. Ces actes que sont les contrats signés avec elles par nos pouvoirs publics, nos gouvernements, nos écoles, nos administrations, nos universités, nos associations, nos entreprises,… Et dont il faudrait à tout le moins se demander ce qu’ils signifient d’un point de vue économique, social, environnemental, politique et éthique.

C’est pourquoi nous avons voulu multiplier les points de vue : Frédéric Naedenoen a éclairé la question depuis le monde du travail ; Yoann Jungling, dans son prolongement, nous a montré ce que la technologie permet dans le contrôle et la surveillance des travailleurs ; Emma Kraak, ce que les métadonnées font de nous ; et Jean-Luc Manise, la distance qui sépare ce que les partis préconisaient avant la crise en termes de choix numériques et les choix effectivement opérés.

Enfin, nous avons été à la rencontre de l’ERG4 qui, collectivement, a fait le choix de se tourner vers ce qu’on appelle les logiciels libres, avec l’aide d’acteurs locaux indépendants. Parce que, s’il faut accepter la contrainte actuelle du télétravail, du télé-enseignement, …, du télé-tout, à l’image des crises précédentes dont il a aussi fallu accepter les contraintes5, rien ne doit nous empêcher de penser à la façon de s’y mouvoir, ce qui est incompatible avec l’objectif des entreprises à qui nous nous remettons. Et de s’aménager, ce faisant, une sortie possible, quand nous le déciderons.

  1. Avec l’autorisation amicale de la revue Terrestres, qui en avait proposé une première traduction française
  2. Journal américain, créé suite aux révélations d’Edward Snowden
  3. Notons que, pendant que nous écrivons, la Commission européenne a, une fois de plus, reporté la présentation de deux propositions de régulation des GAFA.
  4. École de Recherche Graphique (Bruxelles)
  5. Et c’est peut-être par ailleurs là la définition d’une crise.