Animation en maison de repos

Contexte : Voilà déjà quelques semaines que l’équipe du Gsara-Charleroi parcourt les maisons de repos de la région. Nous y rencontrons un nombre étonnamment élevé de personnes âgées et très âgées friandes d’en apprendre plus et de découvrir cette chose qu’elles n’ont souvent pour la plupart, jamais utilisée : Internet .

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Découverte de Google-Earth à Jumet

Lorsque l’on vit sans aucune connexion mais que l’on entend quotidiennement au JT, parler d’Internet, lorsque le mot « Google » n’est pas plus signifiant que « truc » ou « machin », il naît inévitablement une frustration… Il faut avouer que la plupart des services (administratifs, bancaires, d’achat, médicaux…) délivrés par internet, ainsi que leurs modalités d’interaction ou leurs types de ressources proposées ne sont pas spécifiquement adaptés aux personnes âgées. Ainsi, aujourd’hui en Belgique, les TICs accentuent l’exclusion sociale des seniors et la fracture numérique alors même qu’elles laissaient entrevoir de formidables opportunités pour l’amélioration de leur qualité de vie.

Pour nos participants, peu leur chaut d’être ignorés de leur contemporains, de ne pas être sur « Fassebouque« . Ils considèrent pour la plupart que le monde peut continuer sans eux, qu’il n’ont plus grand-chose à lui apporter (« tout va si vite« ).  Mais quitte à le quitter, autant ne pas mourir idiots !  Ils viennent donc fort nombreux à notre animation, coincée entre l’activité motricité et la venue du coiffeur. Il y a là un enjeu en termes d’estime de soi, une volonté de ne pas se couper du monde.

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Tout-le-monde participe à Gosselies

Exclusion :  Notre intention n’est pas de former des papy-geek ou des mamy-lol mais tout d’abord de leur donner à voir les multiples applications du médium. Internet pourrait en effet un peu améliorer leur situation ou leur quotidien (communication avec la famille, littérature audio pour les moins voyants, divertissement, …). Ensuite, nous désirons qu’ils tentent l’exercice de la transmission via ce médium.

Comme évoqué plus haut, les seniors sont très peu présents sur la toile, autant individuellement que collectivement. La fracture numérique est à peu près totale : personne n’utilise Internet à la maison de repos. Dans ce contexte, nous prenons en charge tous les gestes techniques et nous nous concentrons sur la mise en débat des principes qu’il conviendrait d’adopter sur Internet en vue d’une participation à notre vie, nous, citoyens connectés et à la diffusion de leurs réflexions.

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Des histoires à raconter à Marcinelle

Les enjeux pour la société sont multiples : Héritage : À l’heure où nos activités basculent massivement sur la toile, les seniors en sont presque totalement absents. Cela provoque un décalage presque cognitif ou cyber-cognitif puisque cette part de leur héritage qu’ils nous transmettent et qui éclaire nos actions présentes ne sont pas sur le web. Dans le monde de demain qui sera, on le suppose, massivement connecté, Internet jouera à la fois le rôle de « mémoire universelle » mais aussi d’appendice de notre propre « mémoire personnelle ». Si au sein de celle-ci nos grands-parents ne sont pas présents, nous risquons de passer à côté d’une dimension importante dans le champ de notre identité, dans le champ de la (co)construction de la société.

Cette réflexion sur la transmission par les parents et grands-parents avait déjà été à la base de deux projets récents au Gsara Luxembourg : les participants regrettaient le peu d’éléments transmis par leur aînés et ils avaient voulu ne pas reproduire la même erreur avec les jeunes d’aujourd’hui. Ils ont donc à leur intention le livre à perdre et les podcasts « anecdotes en province de Luxembourg« .

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Les gilliciens se souviennent

Intergénérationnel : Beaucoup de participants saisissent donc le projet d’expression proposé comme une chance d’atteindre les jeunes et de leur transmettre un message. Ils le savent, les jeunes sont plus souvent sur Internet qu’à la maison de repos pour une visite. Ainsi parler de ses souvenirs, transmettre leur vision du travail, de l’enseignement, etc. est un souci qui se révèle aux cours des travaux. Beaucoup espèrent donc que de jeunes internautes passeront sur leurs pages, à commencer par leurs propres petits-enfants.

Outre la curiosité et la volonté de transmission, les personnes âgées profitent également des richesses du réseau pour enrichir des activités qu’ils exercent déjà. Par exemple, à la Maison de Repos et de Soins de Jumet, on aime dorénavant se servir de Google pour s’instruire et se lancer des petits défis culturels : quizz, culture générale, mots croisés sont tellement plus rapides avec que sans !

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concentration

Les enjeux pour les missions du personnel ne sont pas négligeables non plus et l’animation est l’occasion pour ces derniers de stimuler la mémoire des participants, leur raisonnement,… C’est aussi l’occasion de faire naître des relations sociales entre résidents qui s’allient pour la réalisation d’un projet (premières recherches documentaires, collecte de souvenirs, …). Une certaine revalorisation liée à « l’image positive de soi » se dégage également de l’usage des ordinateurs et se traduit par un gain de confiance dans les actes et un gain d’autonomie et d’initiative.

L’image de soi est aussi directement revalorisée par le sentiment d’exister via la maîtrise d’un dispositif à priori complexe (et perçu par certains comme inaccessible) et via aussi la reconnaissance que leur porte leur environnement social et familial.

La revalorisation est enfin soutenue par la mobilisation individuelle vers et dans un collectif et par l’acquisition ou la remobilisation de « compétences », de connaissances à partir de la pratique (technique, d’organisation, dextérité sensori-motrice, rédactionnelle, etc.).

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interview

Des projets, du partage : Nous ne pouvons pas encore, à cette date, vous faire voir grand-chose, la plupart des projets de réalisation sont « en cours » ou en phase de finalisation. Mais d’ores et déjà, la plupart des collectifs ses sont mobilisés pour produire un contenu intéressant à partager avec le « monde extérieur ». Citons :

  • Une visite virtuelle de Charleroi avec le groupe de Marcinelle.
  • Un jeu culturel sur les communes avec le groupe de Jumet.
  • Des témoignages sur les années de guerre, également avec des membres du groupe de Jumet (lien 1 lien 2).
  • Un site multimédia basé sur OpenStreetMap contenant de récits de vie de Gilliciens et constituant une petite visite de la ville.
  • Une chaine Youtube centrée sur la cuisine et les recettes d’antan avec les dames de Marchiennes.
  • A Charleroi et à Gosselies, deux journaux en ligne serviront autant d’interface de communication avec l’ « extérieur » que de ressource d’information et d’espaces d’expression pour les résidents eux-même.
  • Certains groupes cherchent encore l’idée qui fédérera leurs énergies. Nous ne manquerons pas de publier les liens sur ces pages.

Nous passons de très bons moments en compagnie de nos aînés et nous apprécions élaborer cet accompagnement vers la fenêtre ouverte sur le monde que représente, petit-à-petit, l’ordinateur et qui constitue un grand changement dans la perception du monde par ces personnes. Gosselies-seance2jumet-seance22jumet-seance3 marchiennes5 marchiennes55marcinelle-seance44 gilly-seance5 gilly-seance66 gilly-seance555 interview

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